Pitt humait l’air de ses larges narines.
« — Mais ça sent mauvais ici Smok !
— Allons, allons, répondit ledit Smok, des Arkéotrouvs comme nous n’ont pas peur d’une mauvaise odeur.
— C’est sûr que c’est pas les Gniponchams qui prendraient la peine de venir jusqu’ici ! »
C’était toujours ainsi que les Técrabies parlaient des Gniponchams, ce peuple parasite et fainéant. Pitt était fier d’être un Técrabie Arkéotrouv. Il aimait découvrir des royaumes en ruine comme celui-ci. Il imaginait tous les trésors qu’ils pouvaient receler… et il s’activait pour les retrouver. Malheureusement, jusqu’à maintenant, il n’en avait trouvé aucun. Ce n’était pas Smok qui l’aiderait ! En bon Técrabie, il se contentait de chercher à révéler le passé de ces vestiges.
Cet endroit était plutôt inquiétant. Les murs rougeauds ruisselaient d’humidité et le sol détrempé s’enfonçait sous leurs pieds. Du silence pesant émanait une tension angoissante.
« — Kof, kof, toussota Pitt bruyamment. Alors Smok, que penses-tu de cet endroit ?
— Nous n’avons pas encore commencé les analyses biologico-chimico de la représentation graphique de cette immense saillie.
— Tu veux dire qu’il faut d’abord que tu examines les lieux avant d’en penser quoique ce soit ?
— Occupes-toi d’enclencher le compilator sur cette zone au lieu de commenter mes commentaires. »
Smok détestait quand Pitt faisait ça, exprimer simplement ses propos. A quoi servaient ses longues études s’il ne pouvait pas de temps en temps énoncer des faits scientifiques avec les mots appropriés ?
Irrité, il attrapa sa louchote pour la placer devant son œil droit tandis qu’il s’agenouillait. La louchote, reliée par un bras mécanique à son casque, lui permettait de grossir un millier de fois les éléments du sol. Il avait remarqué les restes probables d’une créature.
Le compilator que Pitt tenait entre les mains balaya les débris environnant de son rayon laser.
« — Hum, commenta Smok. Connais-tu la légende concernant cet endroit ?
— La légende ? Il y a une légende ?
— On raconte qu’il y a des milliers de secrons, des Suvirs d’une force redoutable se sont emparés de ce royaume. On dit que la vie y foisonnait et qu’en quelques secrons seulement, ils ont absolument tout détruit, ne laissant rien sur leur passage. Enfin, presque rien, car j’ai quelque chose. Tu peux amener le rayon du compilator ici ? »
Pitt dirigea le faisceau bleuté sur la zone concernée. Il donna les résultats à son collègue qui émit une hypothèse :
« — Mais bien sûr… chuchota Smok, pensif. Nous avons ici le cadavre d'un des plus puissants des Lekosits !
— Qu’est-ce que c’est ça, un Lekosit.
— Tu ne connais pas les Lekosits ?
— Non.
— Vraiment Pitt, tu as encore tout à apprendre ! Un Lekosit, c’est un féroce guerrier. Il est possible que des milliers de Lekosits protégeaient ce royaume.
— Et ben, ils n’étaient pas si féroce vu les ruines qui nous entourent !
— J’ai bien peur que la légende se révèle véridique et que ces valeureux guerriers ont tous été décimés par une armée invincible, des Suvirs particulièrement sanguinaire. J’aimerai beaucoup trouver les restes d’un de ces soldats. Continue à analyser le sol. »
En bon exécutant, Pitt balada le laser de sa machine autour de lui. Il continua ses recherches un peu plus loin, Smok sur ses talons. A plusieurs reprises, les données désignant les dépouilles des Lekosits s’affichèrent sur l’écran. Mais aucune trace des Suvirs.
« — C’est incroyable ! s’étonna Smok. Tout ces Lekosits sont morts sans faire une seule victime chez l’ennemi… »
Tous deux marchèrent à travers les ruines, à la recherche d’un indice les éclairant sur cette guerre.
Les yeux tournés vers le sol, ils ne remarquèrent pas tout de suite le mur qui se dressait devant eux.
« — C’est peut-être derrière cette muraille que se trouve le trésor…
— Hum… réfléchissait Smok, ignorant l’allusion aux richesses improbables. Nous pourrions envoyer l’apréleveuse dans l’une de ces petites cavités. »
Il ouvrit un compartiment de sa sinturforte et en sortit un robot miniature plus petit que l'un des doigts de Smok. Il l’activa et l’envoya dans l’un des trous qui ornait la paroi.
Ils n’eurent pas le loisir de s’impatienter. L’engin miniature revint vite vers les deux chercheurs, un tissu moléculaire entre les pattes.
Délicatement, Pitt récupéra le précieux fragment pour le placer dans une alvéole du compilator.
« — La composition est de 65% de tyjiène et 34 % d’anzème.
— Comme c’est étrange… murmura Smok. Il faut trouver l’entrée ! »
Ils longèrent l’obstacle sur plusieurs mètres avant d’apercevoir une ouverture circulaire au-dessus de leurs têtes.
Ils enclenchèrent l’anti-gravité de leurs sinturfortes. Aussi légers qu’une plume, ils s’envolèrent près de l’entrée. Battant des bras pour avancer, ils pénétrèrent dans un tunnel ténébreux. Les sintufortes désactivées, ils utilisèrent l’apréleveuse comme lumière, car elle pouvait aussi faire la luciole. Le long couloir se terminait par une large alcôve.
Ce qu’ils virent à ce moment précis, resta une vision irréelle et terrifiante, gravée à tout jamais dans leurs mémoires. Sur un lit de sang, gisait le cadavre d’une Sellulereine. Ses longues membranes écarlates témoignaient de sa beauté passée. Elle était étendue telle une déesse vaincue, une guerrière morte l’épée en main. Elle, la mère de la vie, elle avait péri. Ses fidèles Lékosits terrassés, son royaume dévasté, elle avait succombé sous le poids d’un ennemi trop puissant. Son cadavre inspirait le respect. Cette glorieuse Reine méritait qu’on la laissât reposer en paix.
Intimidés, nos deux chercheurs rebroussèrent chemin en silence.
Ils décidèrent de quitter ce royaume en ruine, de ne rien ajouter à la légende.
Ils s’élancèrent tristement dans les airs.
Derrière eux, un royaume s’étendait. Sous leurs pieds, la silhouette d’un homme se découpait. Un corps inerte dans un lit défait. Une vie foudroyée par un virus mortel.